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L'impossible amour -2-

10 avril 2008

Sommaire

L'impossible amour

chapitres 1 à 9 présents sur le blog : limpossibleamour -1-

Chapitre 1 - La révélation

Chapitre 2 - La rencontre

Chapitre 3 - Projet à San Fransisco

Chapitre 4 - L'approche

Chapitre 5 - Un concours parmi tant d'autres

Chapitre 6 - Pour Pâques

Chapitre 7 - Les amis

Chapitre 8 - Côte sauvage

Chapitre 9 - Elle et eux

blog limpossibleamour -2-

Chapitre 10 - Genève

Chapitre 11 - Drouot

Chapitre 12 - Week-end à Salers

Chapitre 13 - Stress

Chapitre 14 - Le doute

Chapitre 15 - Une soirée tranquille

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30 octobre 2006

Chapitre 10 - Genève

Je ne vis pas beaucoup Hélène, le reste de l’été. Avec des cousins et amis, elle partit pour ce voyage de trois semaines en Egypte, prévu de longue date.

Pour ce qui me concerne, le travail au bureau, avec les projets à mener et la permanence à assurer pendant les congés de mon dessinateur et de ma secrétaire, ne me permirent pas de partir en vacances.

Quelques week-ends par-ci par là furent les seules occasions d’échapper un  peu à la canicule parisienne. Mais la seule véritable escapade digne de ce nom avait été une rencontre avec Laurent à New York, mi-travail, mi-détente, pendant quatre jours en août.

C’est Genève que nous avions choisi, Hélène et moi, pour quelques jours au début septembre. Elle devait enchaîner sur un long déplacement professionnel avec des membres de sa hiérarchie, qui commencerait par la Suisse, avec la visite de l’usine cosmétique de Bâle, puis la visite de celle de Londres, pour finir par une tournée dans les pays de l’Est.

Mais notre rencontre à Genève fut écourtée prématurément par un appel téléphonique que je reçus de la Mairie du XVème Arrondissement à Paris. On me fixait un rendez-vous impératif, pour un important projet d’urbanisme dans un quartier en plein développement. Je ne pouvais reporter ce rendez-vous, et je devais prendre le TGV à midi, le jour-même, pour Paris.

Nous nous quittâmes sur le quai de la gare. Hélène avait les larmes aux yeux. Moi j’essayais de ne pas laisser voir ma tristesse. L’atmosphère était lourde, comme pour un départ à la guerre.

Dans le train, au moment de mordre une première bouchée du sandwich que j’avais acheté sur le quai, je sentis l’angoisse m’étreindre, la boule à l’estomac, les yeux qui se mouillent de larmes, en pensant à ces délicieux moments passés pendant ces deux jours sur les douches rives du Lac Léman.

Je pleurais, pour la première fois depuis bien longtemps. De chaudes larmes coulaient sur mes joues, sans que je puisse ou ne veuille les retenir. Je ne bougeais plus, je ne pensais plus. Je pleurais, tout simplement, comme un enfant. Ce départ, cette séparation, momentanée pourtant, quelle autre séparation, plus ancienne, était-elle en train de rejouer ? Je me rendais compte de la fracture qui existait en moi, entre l’amour que j’avais pour Hélène et celui que j’avais pour Loïc. Hélène et Loïc, à la fois réunis et séparés en moi, comme les deux visages d’un même amour. Mais c’est surtout moi qui était divisé, coupé en deux, et je réalisais soudain la difficulté, l’impossibilité même, de pouvoir un jour réunir les deux parties de moi-même.

Le TGV traversait des paysages verdoyants. Je les regardais sans vraiment les voir, à travers les larmes que j’essuyais de temps, d’un revers de la main. Impossible de me retenir. Mon souffle devenait hoquetant. Depuis quand n’avais-je pas pleuré ainsi ? Je ne m’en souvenais pas. Mais une chose était sûre : depuis l’arrivée d’Hélène dans ma vie, celle-ci en avait été toute bouleversée. De manière insidieuse, sans que je m’en rende compte.

Les près et les fermes de la Bresse défilaient. Ma voisine me jetait des coups d’œil discrets, mi-curieux, mi-inquiets. Je me calai contre la fenêtre, fixant toujours le paysage. Ma voisine ne se risquerait tout de même pas à me poser des questions. Mes pleurs ne la regardaient pas. Ils m’appartenaient, comme m’appartenait cette vie que je menais. Une vie dont je commençais peut-être à payer le prix.

Je revoyais ma rencontre avec Hélène, mon premier véritable amour féminin, quelque six mois plus tôt. Je revoyais mes retrouvailles avec Loïc. J’avais besoin de dire la vérité à chacun d’eux, besoin de me dire la vérité. Et je constatais, une fois de plus, que je n’en aurais pas le courage. Ne valait-il pas mieux laisser aller le temps et la vie ? Les choses arriveraient d’elles-mêmes, au gré des circonstances.

Par moments, le doute m’accablait : si ma liaison avec Hélène était sérieuse, alors pourquoi avais-je le désir de passer mon temps libre avec Loïc ?

Je basculai mon dossier, fermai les yeux et laissai reposer ma tête douloureuse sur l’appuie-tête pour mieux laisser venir les réponses aux questions que je me posais.

Oui, j’aimais Hélène d’un amour sincère. Mais depuis que j’avais retrouvé Loïc, le sachant seul et libre dans son cœur, mon esprit allait sans cesse vers lui. Où était-il ? Que faisait-il en cet instant ? Je ne cessais de penser à lui, le jour et la nuit. En moi se déroulait un combat de tous les jours. La dualité, l’ambiguïté dans laquelle je vivais était difficilement supportable.

La prochaine rencontre avec Hélène devait me permettre de lui dire la triste vérité. Comme d’habitude, je prenais de bonne résolutions, mais je savais que je risquais de me dérober au dernier moment, une fois de plus. Pouvoir aimer deux personnes à la fois, n’était-ce pas pure illusion ? Et l’amour pour Hélène un amour impossible ? Au fond de moi, j’espérais qu’Hélène pourrait me comprendre, et que notre amour se transformerait ensuite en amitié.

Après Macon, le train augmenta de vitesse, et je m’assoupis un moment. Des images de Genève passaient par flash dans ma tête lourde de chagrin. Dans la cité de Calvin, où Hélène venait pour la première fois, nous avions séjourné à l’Hôtel des Bergues, face au Rhône. Der notre chambre, au troisième étage, nous avions une superbe vue sur toute la ville. Une fois traversé le pont face à l’hôtel, et après un clin d’œil à la stature de Jean-Jacques Rousseau, nous étions tout de suite dans les rues basses. Je revoyais notre périple à travers la ville. Le premier jour, après un passage au nouveau magasin Tati et une halte chez l’incontournable Davidoff, nous avons remprunté la rue de la Fontaine, pour atteindre la petite place du Bourg de Four, la plus ancienne de la ville, bordée de maisons des XVIe et XVIIe siècles. Au temple de Saint-Pierre, qui fut cathédrale jusqu’à la Réforme, nous avons grimpé les marches de la Tour Nord, pour découvrir le plus grandiose des panoramas.

La ville était à nos pieds et le ciel, balayé par la bise, permettait une vue saisissante jusqu’au massif du Mont Blanc.

Dans la Grand’Rue, pavée de galets, Hélène s’extasia devant des boutiques de vêtements chics ou d’antiquités. A la fin de la journée, je lui présentai les Réformateurs : Calvin, Bèze, Knox et Farel, les quatre grands, dont les statues, adossées contre un mur de pierres appareillées, dominaient les passants.

Nous sommes allés dîner à l’Hôtel de France, dans la bourgade de Ferney-Voltaire. Son restaurant nous avait été recommandé par une amie d’Hélène. Un patron chaleureux et une table ronde en fond de terrasse nous accueillirent comme s’ils n’attendaient que nous. Après le dîner, nous allâmes jeter un coup d’œil au château de Voltaire, à travers la grille de la propriété.

Le lendemain, après une matinée dominicale passée à flâner au lit et à faire durer le plaisir, nous sommes allés lézarder sur la pelouse du Parc des Eaux-Vives, en effeuillant des marguerites : je t’aime, un peu, beaucoup, à la folie, entre deux baisers. Un peu plus tard, Hélène riait sous les bruines retombantes du jet d’eau.

L’annonce de l’arrivée imminente du train en gare de Lyon me tira de mes rêveries.

Après Lyon, mes pensées quittèrent peu à peu Genève et Hélène, pour se reporter sur la raison de ce retour précipité à Paris, et le projet en cours.

Une fois à Paris, j’eus juste le temps de faire un saut chez moi, boulevard Saint-Michel, pour enfiler un costume Hugo Boss, de passer à mon bureau pour récupérer mon dossier, avant de filer à toute allure à la mairie du XVe. J’étais déjà repris par le stress parisien.

Je m’étais tellement hâté que j’arrivai en avance de quelques minutes. Dans la salle d’attente, je fermai les yeux et fis le vide dans mon esprit. L’enjeu était d’importance, je devais être au mieux de ma forme intellectuelle.

30 octobre 2006

Chapitre 11 - Drouot

-          Adjugé, vendu !

En ce jeudi après-midi, j’assistais à la première grande vente de la saison, à l’Hôtel Drouot. Une vente d’art contemporain et de mobilier, richement dotée. C’était un succès. Il y avait plus de six cent lots provenant de deux collections particulières. De somptueuses pièces, dont un cabinet d’apparat Louis XV, une vitrine en acajou de Cuba art nouveau et de la verrerie art déco, se partageait la vedette avec des estampes et des dessins aux crayons de couleur sur papier, signés Roy Lichtenstein.

-          Adjugé, vendu !

Un enchérisseur britannique avait conclu pour la modique somme de deux millions de francs. Lui ou son mandant devenait l’heureux propriétaire du cabinet d’apparat orné d’un groupe de bronze représentant Mars et Nymphe. Une véritable merveille, estampillée Linke, l’un des plus grands ébénistes de son époque.

Un peu plus tard, une armoire en placage d’ébène et marqueterie de cuivre, étain et corne teintée, exécutée d’après l’original de Boulle conservé au Louvre, partit pour la coquette somme de cinq cent mille francs. Même un petit dessin de Roy Lichtenstein aux crayons de couleur, du milieu des années soixante, fit l’objet d’une forte enchère.

Amateur d’art, quoique sans grands moyens financières, j’aimais assister, de temps à autre, à une belle vente aux enchères.

Je sentais que la morosité de cette rentrée d’automne, accrue peut-être par le fait que je n’avais pas pris de vraies vacances pendant l’été, pouvait m’inciter à des dépenses inconsidérées, comme une compensation.

Toutefois, j’arrivais presque toujours à me raisonner.

Je ne m’étais encore jamais laissé aller à une dépense excessive lors de ces ventes. Tout au plus quelques petits formats de peintres inconnus, sans grande valeur, mais qui ornaient le long couloir de mon appartement.

De temps en temps, et en fonction des rentrées financières de mon agence, je m’offrais un objet décoratif contemporain : tableau, chaise, guéridon, bouilloire, même. Ces envies de belles choses venaient souvent avec les déprimes, les angoisses et les doutes. L’achat impulsif devenait alors une drogue nécessaire à ma survie. Il comblait un manque, un vide affectif. Rien ne pouvait m’arrêter, tout juste mon compte bancaire, et encore ! La fameuse chaise longue de Le Corbusier qui trônait dans mon salon disait de quelles folies j’étais capable.


30 octobre 2006

Chapitre 12 - Week-end à Salers

Quelques jours plus tard, Hélène m’appelait pour prendre de mes nouvelles. Nous nous donnâmes rendez-vous pour le soir-même, au Loup Blanc, un petit restaurant branché situé au cœur du quartier Montorgueil.

Lorsque je revis Hélène, je la trouvai amaigrie. On voyait ses côtes au travers de son tee-shirt couleur fushia. Elle me dit qu’elle avait passé plus d’un mois à travailler dix heures par jour, y compris quelques samedis. Elle avait besoin de reprendre des forces. Je lui proposai de passer quelques jours en Auvergne, où je connaissais une auberge rustique et authentique, qui ne manquait pas de charme. Elle accepta, avec un petit sourire triste.

Le vendredi suivant, nous quittâmes sans regret le tumulte de la capitale. A Tours, nous fîmes une courte halte chez Martin, un ami infographiste, pour lui laisser les plans d’un concours, afin qu’il y rajoute des couleurs attrayantes, en harmonie avec le projet. Il était convenu que Martin me fasse ce travail le temps du week-end et que je reprenne les documents le dimanche soir.

Hélène était intriguée par le fait que je connaisse quelqu’un sur Tours.

-          Si c’est pas indiscret, tu le connais d’où, ce Martin ?

-          Une anciennes connaissance du bureau où j’ai débuté. Il travaille en free lance, maintenant. J’ai recours à ses services, de temps à autre, c’est un très bon professionnel.

A Salers, l’Hôtel était la dernière bâtisse du pays, un peu à l’écart des autres habitations. C’était une ancienne ferme, aménagée par des commerçants habiles, qui avaient su conserver tout le charme de son style typiquement auvergnat.

En tant qu’architecte, je ne manquai pas d’admirer la qualité du travail bien fait. Le corps principal du bâtiment avait été divisé pour aménager des chambres. Une grange servait dorénavant de salle à manger et de cuisine, une autre abritait l’entrée et un salon de lecture.

La cour, dallée de lauze, ces ardoises locales, épaisses et lourdes, permettait aux véhicules d’accéder à l’ancienne étable qui faisait office de garage. Tout était propre, bien conçu pour le confort, malgré le cachet vieillot de la demeure.

La fenêtre de notre chambre s’ouvrait sur le potager. A cette période de l’année, on n’y voyait plus que des choux, quelques salades et des poireaux. Un peu à l’écart, des potirons, resplendissant dans leur robe orangée, apportaient des touches de couleur au milieu de la verdure.

La douceur exceptionnelle de cet automne nous permit de nous détendre sur des chaises longues. Pendant qu’Hélène sommeillait, je griffonnais sur un carnet de croquis quelques idées pour un projet de rénovation d’un logement en duplex, situé boulevard Beaumarchais.

Ces clients, propriétaires d’une grande pharmacie, m’avaient été envoyés par une amie commune. Après un premier entretien, durant lequel je leur avais montré quelques photos de réalisations récentes, ils m’avaient confié leurs desiderata et demandé de leur établir une esquisse d’avant projet. Ils voulaient quelque chose qui sorte de l’ordinaire dans l’aménagement de l’espace dont ils disposaient. La visite de leur futur logement m’avait aidé à mieux comprendre ce qu’ils voulaient. Il s’agissait de réunir deux étages afin de disposer d’un seul ensemble respectant les intimités de la famille composée des parents de deux adolescents. Le parti architectural adopté était d’aménager le centre du logement, partie sombre sans fenêtre, en zone de circulation verticale.

J’organisai un magnifique escalier hélicoïdal, surmonté d’une petite verrière pyramidale, afin de laisser la lumière pénétrer au cœur de l’espace. Il fallait démolir tous les éléments non porteurs, pour remédier à la banalité du cloisonnement en place. Les pièces de réception du niveau bas du logement se déclineraient autour d’un octogone dans lequel s’inscrirait l’escalier circulaire. A l’étage, la même distribution était organisée pour les différentes chambres et salles de bains.

Un aboiement de chien me réveilla. Mon carnet de croquis avait glissé sur le gravillon de la terrasse. Le charme de l’Auvergne m’avait endormi. Machinalement, je regardai ma montre. Déjà quinze heures. J’avais dû somnoler une bonne heure. La fatigue d’Hélène était telle qu’elle dormait encore. Je la laissai se reposer et, reprenant mon carnet et mon crayon, je croquai son visage baigné des rayons du soleil.

La fin de l’automne s’annonçait plutôt stable, côté travail, tant pour Hélène que pour moi. Sentimentalement, nous nous entendions fort bien. Il fallait absolument, sauf à être malhonnête avec elle, et donc avec moi, que je saisisse cette période pour évoquer avec elle notre avenir. Plus j’attendrais, plus vives seraient l’amertume, la déception et la peine. Pour rien au monde je n’aurais voulu rendre Hélène malheureuse. Je voulais juste lui dire que je l’aimais, en lui faisant comprendre que je ne souhaitais pas approfondir notre relation, tout en souhaitant qu’elle sache qu’elle n’était pas en cause.

Cet exercice m’était difficile, impossible, même, pour quelqu’un comme moi. Introverti au maximum, mes sentiments restaient au plus profond de moi, sans que je puisse les exprimer, ou si peu.

Hélène ne méritait pas toute la peine que j’allais lui faire. Et pourtant, la séparation devenait inéluctable.


30 octobre 2006

Chapitre 13 - Stress

-          Un appel de Hotel and Motel Corporation, Bertrand, je vous le passe ?

-          Oui, répondis-je à ma secrétaire, en délaissant ma planche à dessin pour bondir dans mon bureau.

En ligne, le directeur général, M. Faouzi, me proposait un rendez-vous pour jeudi matin à son bureau, boulevard Malesherbes, suivi d’un déplacement en Egypte fin novembre.

-          Disons les 22 et 23 novembre sur place, ça vous convient ?

-          J’ai noté, Monsieur le Directeur. En attendant, on se voit jeudi vers 10 heure à vote bureau parisien.

Après avoir raccroché, j’interpellai mon dessinateur :

-          Mets le turbo, Jérôme. Jeudi matin, je vais chez Faouzi. La maquette doit être terminée. Cette nuit, je finirai le plan de masse et le détail d’une cellule de chambre.

-          OK, Bertrand.

-          Et fin novembre, je décolle pour Louxor. Tout le staff m’attend. Piquetage succinct sur place pour la mise en place de la plate forme, afin d’avoir une vision réelle depuis les suites donnant sur le Nil, et le désert en fond de vue. Carole, réservez-moi l’avion, départ le 21, après-midi, et retour le 24 au matin. Pour l’hôtel, rapprochez-vous de la secrétaire de Faouzi, elle vous aidera.

Jusqu’à mon départ pour Louxor, le temps passa bien plus rapidement que d’habitude.

Je n’avais pas revu Loïc depuis trois semaines. Tous les jours, c’était la course folle. Les réunions de chantier s’enchaînaient avec des rendez-vous avec des clients actuels ou futurs. Il fallait toujours prospecter et penser à l’avenir, afin d’assurer la pérennité du bureau.

Une agence d’architecture composée d’une secrétaire, d’un dessinateur confirmé et d’un apprenti, nécessitait des rentrées d’honoraires en conséquence.

De plus, les projets à l’étranger occasionnaient des frais de déplacement importants, dont il fallait tenir compte, et ne pas en sous-estimer le montant, au moment de la signature du contrat d’architecte avec le maître de l’ouvrage.

En ce début de soirée, j’étais plongé dans mes libres comptables. La sonnerie du téléphone retentit. A presque vingt et une heure, ce ne pouvait être un client. C’était peut-être Laurent ? Je décrochai avec ce vague espoir. Mais c’était Hélène. Je m’excusai auprès d’elle de ne pas l’avoir rappelée depuis notre week-end à Salers. Ni elle ni moi n’avions dîné. Elle se proposa de venir chez moi dans une heure. J’avais juste le temps de prendre une douche et d’improviser un plat.

J’avais hâte de revoir Hélène. Elle seule savait m’apaiser et me réconforter, quand je rencontrais des soucis professionnels.

A vingt deux heures, comme promis, Hélène était là, rayonnante dans sa robe beige, qui dessinait sa ligne souple et fine. Aucun effort à faire pour l’imaginer nue. Je la soupçonnais de faire exprès d’être aussi belle, en cette période d’ambiguïté pour moi.

-          Qu’est-ce qui t’arrive, Bertrand, tu fais une drôle de tête ?

Je n’avais même pas osé me regarder dans la glace. Cette période de moral bas devait avoir une influence sur les traits de mon visage. J’avais tenté de le masquer, au téléphone, en sentant le désir qu’Hélène avait de notre rencontre. Mais le surmenage, les soucis occasionnés par le travail, me rendaient nerveux et tendu. J’étais certainement exécrable, pour mon entourage. Je m’efforçai de sourire, en embrassant Hélène, et lui dis de ne pas s’inquiéter.

Après un apéritif léger, nous passâmes à table. J’avais dressé nos deux couverts sur un guéridon rond à plateau de marbre, directement dans la cuisine.

Les serviettes en papier de couleur bleu dur se détachaient sur les grandes assiettes jaunes. Devant chacune d’elles, un verre à pied, et à côté, un petit bougeoir en porcelaine blanche surmonté d’une bougie, réchauffait l’atmosphère pluvieuse de cette soirée de novembre. Le dîner était composé d’un plat unique : un gratin de pâtes au saumon saupoudré de parmesan. Le goût était rehaussé par un soupçon de noix de muscade. Une recette inventée et improvisée.

Ce ne fut pas une soirée inoubliable. L’heure déjà tardive, la fatigue accumulée ces derniers jours, l’état de mon moral, bref tous les ingrédients étaient réunis pour gâcher le plaisir que je pouvais éprouver de revoir Hélène. Je la questionnais sur son travail, je n’avais ainsi qu’un effort d’écoute à faire, ce qui me suffisait amplement. Après le dîner, nous nous vautrâmes dans le canapé du salon, en buvant une infusion. Minuit était passé depuis trois quart d’heure.

Je ne souhaitais pas sortir, par le temps peu clément et l’heure tardive, pour accompagner Hélène. En l’embrassant, je lui susurrai :

-          Tu dors ici ?

-          Je n’avais pas prévu, Bertrand, et je dois me lever tôt, demain matin.

-          Et moi pas, peut-être ?

-          Ne t’énerve pas !

Je me ressaisis : en quoi Hélène était-elle responsable de mon énervement ?

-          Excuse-moi, Hélène, je te raccompagne, si tu préfères.

En passant la main sur ma nuque, elle souleva mon polo et caressa ma poitrine. Elle m’embrassa.

-          Veux-tu toujours de moi ?

Je lui soufflai un oui dans l’oreille et puis je me levai. Je la saisis par les épaules et sous les cuisses et la transportai jusque sur mon lit. Avant de nous glisser sous la couette, Hélène me précisa :

-          Le réveil à 6 H 30, s’il te plaît.

-          Ne t’inquiète pas, je te déposerai à ton bureau en voiture demain matin.

La couette se fit douce pour accueillir nos deux corps brûlants de désir.

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30 octobre 2006

Chapitre 14 - Doute

Avec Hélène, j’étais dans la plus grande indécision. Je l’aimais, et je savais qu’elle serait le seul amour féminin de ma vie, mais un amour impossible. Pourquoi ? Tout simplement à cause de ce personnage double qui m’habitait depuis ma plus tendre enfance. Comment le comprendre ? Et comment l’expliquer ?

Ces questions m’avaient beaucoup tracassé, il y a quelques années, au sortir de l’adolescence. A force de ma les poser sans trouver de réponse, j’en étais arrivé à vivre avec. Par la suite, occupé par mon activité professionnelle, je ne me posais plus ces questions. Sauf peut-être dans ce rares moments de solitude. Mais j’essayais de les éviter, ces moments que je redoutais tant.

Et pourtant, c’était bien la solitude j’étais venu chercher, ce week-end, au Château de Quineville, en Normandie.

Les pieds sur une table basse carrelée, face à la compagne normande, je méditais. J’avais un impérieux besoin de vérité, le besoin de savoir, de comprendre. J’avais des difficultés à vivre, et j’en aurais encore plus si je ne trouvais pas de réponse à mes interrogations. Je cherchais des explications rationnelles là où il n’y en avait peut-être pas. Là où le néant était peut-être la seule réponse.

Le début de la soirée était doux et calme, à part les cris des oies du château, que des enfants devaient déranger. Le jour déclinait rapidement, en fin d’après-midi, depuis le passage à l’heure d’hiver. Déjà la lune brillait, face à moi dans le ciel, et semblait m’interroger : « Toi, Bertrand, qui te veux rationnel, n’as-tu jamais pensé que certains mystères de la vie ne peuvent s’expliquer par la seule raison ? ». Un meuglement, au loin, interrompit ma réflexion. Pas de doute, j’étais bien en Normandie.

Je m’étais octroyé deux jours de repose complet, sans avoir emporté le moindre travail, deux jours de réflexion sur mon devenir sentimental. Paradoxalement, alors que je redoutais la solitude, j’avais choisi de passer ces deux jours seul, partageant mon temps entre la piscine couverte, un havre de bienfait pour mon corps, et la plage à proximité, où je faisais de longues promenades oxygénantes.

L’éclat de la lune dans le ciel était de plus en plus intense, au point que les ombres des enfants qui jouaient se marquaient sur le gravier blanc.

Après le dîner, je descendis vers la plage. Quoi de plus beau que de se retrouver sur une plage au clair de lune ? Je m’assis sur un petit rocher qui émergeait du sable.

Ma vision s’adaptait peu à peu aux immensités, celle du sable et celle de la mer. Des feux, au large, indiquaient la présence d’un cargo. Ou peut-être était-ce le ferry pour l’Angleterre. Les vapeurs du vin de Bordeaux qui avait accompagné mon dîner mettaient le désordre dans mon cerveau. Ma raison m’échappait.

En pensée, j’étais dans les bras d’Hélène, et pourtant, ce paysage sous la lune me ramenait vers d’autres plages, d’autres promenades de la période de ma vie avec Laurent.

Toujours cette dualité, en moi. C’était comme si quelque chose, une voix, me disait : « Je ne te lâcherai pas. Où que tu sois, je surgirai, et n’auras pas jamais de répit ».

La fraîcheur me fit frissonner, et je me levai, le corps un peu engourdi. La lune éclairait le chemin vers le château, mieux que des lampadaires.

Sur la terrasse, je commandai une infusion, pour finir de me dégriser. Une soirée de béatitude et de contemplation m’attendait, face à cette lune qui me dévisageais.

Des pas, sur le sol derrière moi, me firent sursauter, ce qui déclencha l’hilarité de leur auteur.

-          Excuse-me !

C’était un touriste anglais, hôte du château, lui aussi. Rien de plus. Mais mon état de semi-léthargie n’était plus.

Je n’eus plus qu’une idée : regagner ma chambre bleue, meublée dans le style Louis XV, pour plonger dans le sommeil.


30 octobre 2006

Chapitre 15 - Une soirée tranquille

Le vendredi suivant, c’est une autre soirée en solitaire qui s’annonçait, pour moi, dans mon appartement trop vaste. Et la solitude, ici, je ne la supportais pas.

Je descendis à la cave et en remontai une bouteille de Château Thierry. Ce serait parfait pour accompagner une pizza sortie tout droit du congélateur. Je dînai assis sur le canapé, face à la télévision.

Une fois de plus, je me retrouvais seul, malgré mes nombreux amis, malgré Hélène, malgré Loïc. Et par ma faute, de surcroît. J’avais refusé une invitation et ignoré quelques messages sur le répondeur.

Après avoir dîné, j’éteignis la télévision et restai assis, le regard dans le vague, à ne penser à rien, et à tout à la fois, comme souvent dans ces moments-là. Les images se succédaient à un tel rythme, que ma raison ne pouvait pas suivre. Je revoyais Hélène et sa peau brunie par le soleil, les Champs Elysée, où j’aimais me promener avec elle. Je revoyais Loïc et son corps svelte, ses cheveux coupés courts et ses traits réguliers. Mon projet d’école et celui de San Francisco se superposaient. Je me servis un nouveau verre de Bordeaux.

Je n’arrivais toujours pas à mettre de l’ordre dans mes sentiments pour Hélène et pour Loïc. L’amour que j’éprouvais pour l’une, était-il si différent de celui que je ressentais pour l’autre ? Qu’est-ce qui faisait la différence ? Difficile de décrire tout le cheminement des pensées qui fourmillaient dans mon cerveau en ébullition, après avoir maintenant vidé les trois quarts de la bouteille de vin. Mais ce qui m’étonnait, c’est que mes idées n’étaient guère plus embrouillées. Les images et les idées se succédaient seulement plus vite qu’à l’ordinaire, sans évoluer vers une quelconque solution à mon problème, comme on pourrait l’espérer d’une véritable réflexion.

Je tentai de prendre les données du problème une par une. J’aimais Hélène, j’aimais Loïc, où était le problème ?

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Simplement dans le fait qu’il était illusoire de persister dans ce mode de vie. A rester avec l’une et avec l’autre, j’allais les perdre tous les deux.

En réalité, je ne voulais décevoir ni Hélène, ni Loïc, au risque de me décevoir moi-même.

Avec Hélène, ce serait une vie toute de douceur et de quiétude, rangée, annoncée à l’avance. Une vie réglée, entre enfants et repas de famille animés. Ce qui n’était pas pour me déplaire, au fond. Avec Loïc, c’était différent. Plus intense, plus urbain. Plus incertain, aussi, peut-être, d’où l’intensité des sentiments. C’était aussi, je dois l’avouer, un corps plus sculpté, plus ferme et musclé.

Même si je faisais l’amour avec Hélène, je l’aimais d’un amour plus platonique que physique. S’en était-elle rendu compte ? Au fils des jours et des semaines, j’en étais arrivé à me dire que cette relation, peut-être, lui convenait bien, que cet amour lui suffisait pour exister en tant que femme. L’amour entre deux êtres, le seul, le vrai, le pur amour, n’est-il pas largement au-dessus de l’amour physique ? Le fait de se savoir aimé d’un être, quel que soit son sexe, et de l’aimer plus que tout au monde, n’est-il pas la raison de vivre de beaucoup d’hommes et de femme, même sans amour physique ?

J’avais l’impression de me réinventer l’amour, depuis que j’avais rencontré Hélène. Mais c’est avec Loïc que j’avais envie de construire une vie. Une vie de partage, d’échanges, de projets, de joies et de pleurs.

En avouant à Hélène que j’aimais les garçons, j’étais sûr de la peiner, et ça, je ne le voulais pas.

J’en étais là de mes pensées, toujours au même point, quand le téléphone sonna.

-          Hello, beau gosse, en forme ?

C’était Loïc, en grande forme, lui, apparemment. En entendant la chaleur de sa voix, j’eus soudain l’impression que j’allais enfin pouvoir faire éclater la vérité.

-          Oui, Loïc, puisque je t’aime :

Un silence, au bout du fil. Loïc avait dû être surpris par ma réponse.

-          Bertrand, tu as bu, ou quoi ?

-          Non, Loïc, je suis très sérieux. J’ai envie de toi, là, maintenant. J’ai envie de sentir ton parfum, de m’abandonner dans tes bras, de t’embrasser…

-          Attends, Bertrand, calme-toi. Moi aussi, je t’aime. Mais je te croyais pris, avec Hélène. Elle t’a quitté ?

-          Non ! C’est pas ça…

-          Ah bon. Tu sais, Bertrand, depuis que tu est avec Hélène, je m’étais dit qu’il me faudrait considérer notre amour, à tous les deux, comme un amour de jeunesse. Mais je souffre quand je te sais avec elle. Je suis jaloux d’Hélène. J’envie sa position. Moi aussi, j’ai envie de sentir ton corps contre le mien. Le monde me fait peur, en fait. Avec toi, je me sens plus fort, invincible, même. Je te désire maintenant.

Vautré sur le canapé, j’étais abasourdi par une telle déclaration d’amour. Je savais que Loïc m’aimait, mais de là à ce qu’il souhait que nous vivions ensemble, je n’en revenais pas. Je l’avais bien envisagé, quelques années auparavant, au moment de notre rencontre. Et puis le temps avait passé sans que cet aspect de notre relation ne soit abordé. Nous étions trop jeunes, à l’époque. Maintenant, il avait dit qu’il voulait me voir maintenant ! Il fallait que je le rejoigne sans tarder. Mais je me rendis compte de mon état.

-          Euh, j’étais seul, ce soir, alors j’ai un peu trop bu, je ne peux pas conduire. Viens tout de suite, Loïc, je t’attends !

Le temps de remettre de l’ordre dans l’appartement, d’enfiler un tee shirt propre, sans oublier une ou deux gouttes de parfum, et Loïc était là, le visage illuminé de son plus beau sourire, une rose à la main.

Ce fut une nuit de tendresse, de câlins et de caresses, une nuit où le sexe n’eut finalement que peu de place. Nos relations physiques avaient eu leur importance entre nous, autrefois. Plus tard elles reviendront. Pour l’heure, seule comptait la chaleur de nos deux corps l’un contre l’autre.

Quand le réveil me tira du sommeil, Loïc était déjà parti depuis longtemps. Je me levai d’un bond, sans l’ombre d’une fatigue. Je pris un copieux petit déjeuner, en me disant que la vie était belle, et l’amour cruel.

Restait à débrouiller l’inexplicable avec Hélène. Je regrettais que notre relation soit allée si loin. Je m’en voulais d’avoir cru que cela puisse être possible, et surtout, d’avoir laisser Hélène croire à nous deux.

A mon arrivée au bureau, comme d’habitude, la réalité professionnelle m’accapara. Mais cette fois ma décision était prise : je parlerais enfin à Hélène.

Num_riser0002

30 octobre 2006

Questionnaire de Proust

Quel(le) est votre …. préféré(e) ?

  • couleur :bleu

  • parfum : menthe

  • fruit : fraise

  • passe temps : farniente

  • instrument de musique : piano

  • vacances : loin au soleil et dans l’eau

  • chanson : let it be

  • écrivain : Zola

  • film : Apocalypse now

  • sport : natation et ski
  • voiture : ferrari

Qu’appréciez-vous le plus chez vos amis ? la sincérité

Qu’aimeriez-vous laisser de vous ? au moins l’image d’un type sympa

Que faut-il faire pour vous déplaire ? me prendre pour un imbécile

Et pour vous plaire ? me faire oublier le temps

Qu’aimeriez-vous changer de vous ? mon nez (ce qui n’a rien d’extraordinaire comme réponse je vous l’accorde)

Qu’avez-vous à vous faire pardonner ? parfois le manque de disponibilité

Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?   les fautes avoués

Quel bâtiment auriez-vous aimé avoir bâti ?   les cathédrales

Quel plat ne faut-il pas vous servir ? un tiramisu

Vous êtes plutôt viande ou poisson ? poisson

Quel est votre plat préféré ? une daurade grillée sur la braise accompagnée d’un verre de Pouilly Fuissé

Vous êtes plutôt chaud ou froid ?  chaud

Vous êtes plutôt clair ou sombre ?  sombre

De qui êtes-vous le plus fier ? mes 3 enfants

Quelles personnes n’accepteriez-vous jamais à votre table ?  mes ex-voisins

Quel est votre paradis terrestre ? mes rêves

Et votre paradis artificiel ? le champagne

Quel enfant étiez-vous ? introverti et timide

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